Non l'exil ne m'embarrasse pas
Ce texte parle de la douleur de l’exil et de l'attachement viscéral à la terre d’origine, à la langue.
« Karim Fawzi décrit le destin d’un homme, obligé de quitter son pays, l’Irak, exsangue, baignant dans un marécage de pétrole et de dévastation. » (Paul de Brancion)
Il revient sur les causes de son départ, sur son impossibilité à rester mais décrit aussi sa difficulté à trouver sa place dans sa terre d’accueil.
Questionnement sur les racines et sur ce que l’on transmet à ses enfants,. Les poèmes de Karim Fawzi peignent la souffrance d’être éloigné, quand son pays est à feu et à sang.
Par la langue, il célèbre des retrouvailles infinies avec son Irak natal, noces rêvées et déchirantes.
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Extrait
J’accompagnerai un chevreau au champ d’Alouan*
Ma mère arrondit les galettes de pain
Au crépuscule, son four est encore chaud
Je m’assieds sur le rebord
et je tends mes jambes.
Non l’exil ne m’embarrasse pas !
J’accompagne un chien, au parc
pour arrondir la forme du poème, comme l’on façonne
une galette de pain.
Je considère ma mort comme celle d’un ami que nous
avons enterré selon le rite.
Et je dis à mon voisin, derrière le rideau : bonne fête !
L’homme doit-il se contenter de si peu lorsqu’il veut
emporter les
sépultures de ses pères sous ses vêtements.
* prénom du propriétaire du champ à Bagdad
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Plus elles s’accumulent, plus les vêtements deviennent
étroits !
L’homme doit-il, lors de son départ, apprendre
à abandonner les rênes de sa destinée à l’exil !
Non, l’exil ne m’embarrasse pas,
Années batârdes !
Je reprends la construction du poème,
afin d’aborder l’univers
comme depuis une citadelle.
Nos yeux, tels ceux des divinités sumériennes
guettent d’un regard immobile
les surprises du rivage.
Et tu dis : Dieu nous aurait-il abandonnés ?
serions-nous de simples dunes de sable
que le vent déplace ?
Ou seulement le vent, quittant la terre de Babel ?
Qu’il est long, mon séjour
où j’ai appris trente définitions du mot « exil ».
Je me suis affermi
sur un siège portant le nom de mes descendants à venir.
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Qu’il est long le séjour de ceux
qui se sont contentés de valises pour tout refuge, sans
se demander
dans quelle gare leurs enfants les ont surpris
et à quel endroit ils ont érigé des stèles pour leurs
défunts !
Tempête de sable, ce temps
Qu’à travers la fenêtre de la maison, j’ai vu s’épaissir,
Ployer la haie et les lampadaires
Alors, toute vision a cessé