L'effet de la lave

Après s’être engagé pendant six ans au sein d’une unité militaire dans le nord de l’Irak, Richard, accompagné de sa nouvelle petite amie, revient dans sa province natale. Quand il réapparait en pleine nuit dans la vie des siens, tous ont changé. Ses sœurs et ses parents aimeraient le reconnaître et l’accueillir comme il se doit. Mais les souvenirs même semblent les séparer. Chacun des membres de la famille voudrait lui pardonner d’avoir entraîné dans sa fuite Bastien, son jeune frère. Ils n’y parviennent pas. Richard va dorénavant s’obstiner à rester. Quelle volonté l’obsède à rassembler père et mère, frère et sœurs, alors que sa fuite de la ville en guerre peut les mettre tous en danger ? L’aînée, Mathilde, vient de rentrer, elle aussi, d’un long séjour aux USA où elle a eu un fils. Richard attend qu’on lui présente l’enfant. Il ne quittera pas la maison tant qu’il n’aura pas fait sa connaissance. 

Entre la peur de perdre l’amour de l’Autre et le désir d’échapper au monde familier, une nouvelle question ne cesse de jaillir dans la tête de Richard: que représente-t-il aujourd’hui à leurs yeux ? Un rescapé ? Un traître ? Un frère au charisme fou ?
Ou bien l’éternel enfant qui fut adopté ?

A mesure que la nuit avance, la place qu’ils imaginaient être la leur au cœur de la fratrie va être bousculée et les tensions vont croitre jusqu’à l’implacable sacrifice. Une nuit entière pour se défier, se rapprocher, se confondre. Une nuit pour que les destins des uns s’immiscent, s’infiltrent, s’insinuent en chacun et ré- pondent à la demande pressante du fugitif.

 

 

 

14 euros


 

MATHILDE

J’arrive avec la neige. L’homme dans le 4X4 me dépose devant la grange, celle que vient d’emménager ma famille d’accueil. Il me dit : « C’est là ». Là que des gens m’attendent, moi, le Barjna, le Mojik. J’ai onze ans. Je sais que ma place, je dois l’inventer de toutes pièces. Même si j’apprends à parler français en moins de deux mois, à l’école j’ai trois ans de retard. Je n’ai presque jamais tenu un stylo de ma vie. J’ai honte de ma nouvelle carte d’identité que je cache, avec l’album photos de mes nombreuses familles, sous mon matelas. J’apprends que je suis le plus vigoureux de tous les enfants de la maison et qu’à cet égard je dois protéger en même temps que remporter toutes les victoires. Longtemps après la neige, après le premier printemps, je cherche des histoires où m’approprier la vôtre. Je m’englue dans l’histoire de ma famille accueillante, je cherche une histoire où ma faim me mettrait à l’abri de ma peur. De mon défaut d’origine. La grange a faim elle aussi d’un nouveau récit.

J’ai treize ans.